Consommation d’ecstasy surdosé : à propos d’un cas mortel - 20/11/20
Résumé |
Objectifs |
L’ecstasy (3,4-Méthylènedioxymethamphétamine ou MDMA), consommé pour ses effets empathogène et entactogène, occupe le 3e rang des drogues les plus utilisées en Europe après le cannabis et la cocaïne. C’est une drogue bon marché accessible aux jeunes (coût unitaire habituel de 10€). La majorité de la production européenne provient des Pays-Bas avec une teneur moyenne des échantillons en MDMA en augmentation : 44mg par comprimé en 2009 contre 128mg en 2017, et rapportée jusqu’à 300mg [1 ]. Ainsi, la probabilité d’observer des effets indésirables graves augmente, allant parfois jusqu’au décès. L’enquête DRAMES (CEIP-A Grenoble) a recensé un nombre de décès imputables aux amphétamines relativement stable : 8 en 2015, 5 en 2016 et 6 en 2017. Ces cas semblent en recrudescence, avec plus de 10 décès imputables à la MDMA en Ile-de-France en 2019 selon la brigade des stupéfiants de Paris. Nous rapportons ici l’un de ces cas : un jeune homme décédé après ingestion d’une dose d’ecstasy en discothèque.
Méthode |
Description du cas : Un étudiant de 21 ans sans antécédents médicaux présente une crise tonico-clonique généralisée lors d’une soirée. À l’arrivée du SMUR, il est inconscient, tachycarde (140 pulsations/min) et hypertherme (41,9°C). La crise convulsive cède après administration de clonazépam. Le jeune homme présente alors un arrêt cardio-respiratoire hypoxique. Il est réanimé, intubé et transféré en réanimation. A son admission, il est instable sur le plan hémodynamique, toujours hypertherme (42,4°C) et tachycarde (163 pulsations/min). Il présente un syndrome sérotoninergique. Le premier bilan biologique montre une acidose mixte, une coagulation intravasculaire disséminée et une atteinte hépatique (transaminases à 10N), rénale (créatininémie à 183μmol/L) et cardiaque (troponine à 1162ng/L). Un dépistage urinaire des drogues par immunochimie est réalisé puis confirmé en GC-MS et LC-MS/MS. Malgré l’administration de cyproheptadine en complément des mesures de réanimations symptomatiques, l’état du patient s’aggrave et il décède d’une défaillance multi-viscérale quelques heures après son admission.
Résultats |
Les recherches urinaires d’amphétamines et de MDMA sont positives en immunochimie avec identification d’éphédrine, de MDMA et de MDA en GC-MS. Les dosages plasmatiques réalisés en LC-MS/MS corroborent les résultats urinaires avec des concentrations de 3945ng/mL de MDMA et 56ng/mL de MDA (3,5h après ingestion supposée). Une paracétamolémie de 5,8mg/L est mesurée par immunochimie.
Conclusion |
Le syndrome sérotoninergique, l’hyperthermie maligne et les troubles cardiovasculaires sont fréquemment retrouvées lors d’intoxications à l’ecstasy. La concentration sanguine de MDMA du patient était 10 fois supérieure aux concentrations habituellement retrouvées après ingestion d’une dose d’ecstasy [2 ]. Une étude rétrospective (2016–2019) dans notre laboratoire montre chez 83 patients intoxiqués, une médiane de 256ng/mL (15-17331). Le cas de cet étudiant a été très médiatisé par la presse, qui le décrit comme jeune expérimentateur de drogues en milieu festif. Il aurait consommé ce soir-là une unique dose achetée sur place. Au regard des résultats toxicologiques, il semble que celle-ci était particulièrement concentrée en MDMA. La présence d’éphédrine et de paracétamol est probablement en lien avec le traitement d’un syndrome grippal plusieurs jours auparavant. À notre connaissance n’ont été réalisés ni investigation judiciaire ni analyse capillaire qui auraient pu vérifier le profil de consommation, ni étude pharmacogénétique qui aurait pu aider à l’interprétation des concentrations observées. Un seul comprimé d’ecstasy surdosé peut être à l’origine d’une intoxication grave voire fatale, comme décrit dans notre cas. En pratique clinique, il reste intéressant de faire un suivi toxicocinétique de la MDMA pour mieux comprendre l’évolution clinique et mettre en évidence une éventuelle vulnérabilité individuelle.
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Vol 32 - N° 4S
P. S23 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.